Au hasard des rues, des
poteaux et des grilles, on
trouve des roues orphelines
et des cadenas
esseulés. Étranges objets que ces bouts de
bicyclettes ayant perdu leur raison
d’être. Preuve matérielle, après
un instant de doute - mais où donc
l’ai-je garé? -, que
le vélo s'est «envolé ? En France, ils sont 400000 propriétaires chaque année à vivre cette
désagréable expérience. A pester contre le sort et les voleurs. A lorgner les cyclistes pendant
plusieurs jours, espérant tomber - hypothèse très improbable - sur l'objet dérobé.
D'après une enquête menée
en 2003 par Frédéric Héran pour l’Ifresi
(Institut fédératif de recherches sur les économies
et les sociétés industrielles), la
mésaventure découragerait 23% des
victimes, qui renonceraient définitivement
à la bicyclette. Les associations de
cyclistes multiplient donc les
propositions pour réduire ces vols qui constituent,
après le risque d'accidents, le deuxième
frein majeur à la pratique du vélo.
Train raté. Du vélo au volé, il n'y a
que deux voyelles, qui changent de place comme de proprio : régulièrement. 57% des cyclistes
ont déjà connu une telle
déconvenue. Certains, même, à plusieurs reprises. Sans compter tous ceux qui se sont
fait dérober une selle, une roue ou encore un éclairage. Parmi
les victimes, entre 1 et 2 % seulement récupèrent leur bien, selon la Fubicy
(Fédération des usagers de la bicyclette). Pourtant, sur les 400 000 engins qui disparaissent
en France chaque année, 150000 sont retrouvés.
Ils n'ont été qu'«empruntés», en raison
d'un train raté ou d'une course à faire, puis abandonnés.
Mais, faute que leur propriétaire soit connu, la plupart rouillent
plusieurs mois dans une fourrière
avant de mourir dans une déchetterie.
D'où l'idée de lier le propriétaire
à son bien et de recourir au
«marquage». La technique, comparable
à la plaque d'immatriculation
pour une voiture, a fait
ses preuves en Allemagne
et au Danemark. Dans ces
deux pays, près de 40% des
engins volés sont aujourd'hui
restitués. La méthode semble
aussi fiable qu'économique : pour une somme variant de 3 à 5 euros, le propriétaire
fait graver sur son cadre un numéro indélébile à 14 chiffres. Un passeport lui est
remis avec un mot de passe qui préserve son anonymat. La Fubicy conserve le fichier. Quand
la police retrouve le vélo, la référence gravée permet de le rendre à son propriétaire.
Le système fonctionne déjà
à Haguenau, à Strasbourg et à Nantes
depuis le mois de juin. A
Chambéry et à Grenoble depuis août. Toulouse
s'y met aujourd'hui. Lyon le week-end
prochain, avec deux journées de marquage
gratuit; Paris devrait bientôt suivre
(1). L'objectif est de se rapprocher
des statistiques de voitures volées,
dont les trois quarts sont un jour
retrouvées. Pour ce faire, la fédération
espère imposer à moyen terme le marquage à la production.
Et souhaite que les policiers puissent contrôler les cyclistes en balade comme
en Allemagne, où les vols de vélos ont baissé de 30% en dix ans. Pour que le système
fonctionne, il faut toutefois que les volés portent plainte.
Or, actuellement, moins de la moitié des victimes déclarent le vol, 70% d'entre
eux estimant que «cela
ne sert à rien».
Plein
jour. En attendant,
les cyclistes luttent
avec les moyens du bord,
sachant que nul n'est à l'abri.
Même pas la Fubicy, dont plusieurs membres se sont
fait dérober leur vélo pendant qu'ils travaillaient, en plein
après-midi. Surprenant? Pas tant que
ça Contrairement aux idées reçues,
les vols se font autant
de jour que de nuit. Presque autant dans les lieux privés (cour, hall, local fermé) que
dans les lieux publics. Les communes
les plus touchées restent
les villes universitaires (les étudiants représentant une part importante des cyclistes) et les bicyclettes les plus
fauchées sont évidemment
les plus belles, les plus neuves.
Les cyclistes qui choisissent de racheter un vélo en prennent d'ailleurs un coûtant en
moyenne 20 % moins cher que
le précédent. Ils ce tournent
donc souvent vers le marché
d'occasion, largement alimenté
par les larcins. Bouclant ainsi
la boucle du recel. •*•
MICHAËL
HAJDENBERG
(1) La liste des «graveurs» est disponible sur le site www.fubicycode.org/
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