La Fédération pour les Circulations Douces en Essonne lutte
pour la sécurité et le confort des déplacements non motorisés
( à pied, en fauteuil roulant, à vélo, à rollers)
Lisez l'article
Non aux
appuis ischiatiques alibis ! protestant contre le remplacement des bancs par
ces appuis inconfortables ne permettant pas aux personnes âgées ou
handicapées de se reposer.
Kik Bastard, kinésithérapeute retraité, nous a adressé les notes
anatomo-physiologiques ci-dessous
pour étayer notre refus de permettre ce détournement scandaleux de la loi
handicap de 2005. Une expertise approfondie qui ne manque pourtant pas
d'humour.
Notes sur les appuis ischiatiques et les « miséricordes »
Dans le cœur d’une
cathédrale, les miséricordesétaient
des aménagements particulièrement astucieux apportés aux stalles où les prélats
se tenaient assis pour assister aux
cérémonies religieuses. Ces stalles comportaient un panneau relevable
permettant aux religieux de se plier à la règle liturgique qui leur imposait
de longues stations debout. Le clergé avait néanmoins admis l’ajout d’une
pièce de bois, rapportée sur la tranche de l’assise mobile qui, lorsque
celle-ci était relevée, permettait de se tenir semi assis tout en restant
apparemment debout.
Cette position « assis-levé » est encore utilisée, de nos
jours, sous forme de siège-canne, plus ou moins télescopique, par les
marchands forains sur les marchés, les chasseurs à l’affût ou certains pêcheurs
de rivières vives. C’est une position relativement confortable car elle forme
un tripode en équilibre stable avec une assisefessière acceptable.
Il en va tout autrement des « appuis ischiatiques » qui
commencent à être installés dans divers lieux publics.
Pour bien comprendre
ce dont il est question, il faut rectifier une petite erreur anatomique et
survoler rapidement la « fonction assise » d’un point de vue anatomophysiologique.
a)Dans le cas présent l’appui est,
anatomiquement, très peu ischiatique.
En tout cas certainement pas au niveau de la partie horizontale de l’os et
bien peu au niveau de sa partie verticale (tubérosité ischiatique). L’appui
auquel il est fait référence ici est surtout sacro-coccygien
(sacrum et coccyx), et quelques centimètres séparent ces deux os
-articulés entre eux- des ischions. On peut déjà remarquer que le sacrum et
le coccyx, tout en constituant le
mur postérieur du bassin, forment une convexité vers l’arrière et que les
appuis proposés sur ces miséricordes modernes sont d’autant plus
inconfortables que l’assise est elle-même oblique par rapport à
l’horizontale. La situation est très instable, ici, puisque lorsqu’une
boule est placée sur un plan incliné... elle roule !
b)L’appui ischiatique vrai est réalisé, par
exemple, dans l’utilisation d’une selle de vélo. Il est même, dans ce cas,
assuré par la branche ischio-pubienne
(ischion/pubis) qui est anatomiquement horizontale. Par parenthèses, on peut
remarquer que l’utilisation d’une selle de vélo est possible car aucun
muscle ne vient s’interposer entre elle et ces deux os du bassin alors que,
seul, un généreux capiton cutanéo-graisseux
assume l’interface de cet appui délicat.
C’est une situation stable et même confortable,… avec un peu de pratique.
c)Pour mémoire, depuis que notre espèce est
devenue anoure (c'est-à-dire qu’en compagnie de quelques autres grands
primates elle a perdu sa queue), la position assise au sol est devenue possible
grâce à un appui sacro-ischiatique
(position Sioux ou Lotus) dont la stabilité est fonction de la souplesse des
hanches et de la tonicité de la sangle lombo-abdominale. Ici encore la
situation est stable car la gestion du centre de gravité se fait tout
naturellement.
d)L’assise sur une selle de cheval est, elle, fémoro-pubo-ischiatique (cuisse,
pubis, ischion) et si elle est très stable en théorie, elle dépend souvent
dans la pratique de la bonne volonté du cheval…
e)Quand on parle d’appuis ischiatiques avec
une selle de cheval où de vélo, il faut préciser que le contact se fait, dans
ces cas, par la partie interne des tubérosités ischiatiques dépourvues
d’insertions musculo-tendineuses et non pas par la face postérieure de ces mêmes
tubérosités portant les insertions des trois tendons ischio-jambiers et d’un
gros ligament. Ces tubérosités sont recouvertes d’une nappe de muscles
fessiers véritablement poinçonnée, dans ce cas de figure, entre deux surfaces
dures. C’est malheureusement ce qui se passe avec nos malheureux appuis
ischiatiques récemment installés, peut-être un peu rapidement. Le
problème tient au fait, qu’à mon sens, on a confondu l’appui ischiatique
horizontal du cycliste et du cavalier avec cette fausse position assise portant
sur la partie verticale de l’ischion.
f)La position moderne que nous avons adoptée pour
nous asseoir peut être définie comme fémoro-pubo-ischio-fessière
et peut-être qualifiée également de très stable à tel point qu’elle peut
devenir inamovible chez certains...
Dans le cas qui nous intéresse, du fait même que l’appui proposé est
incliné à 45°, le sommet du tripode ainsi formé avec les membres inférieurs
n’est pas en équilibre et la décomposition du parallélogramme des forces
montre une forte tendance au démontage de cette triangulation rendue, à l’évidence,
très instable. Cette instabilité doit forcément être compensée par la mise
en œuvre de groupes musculaires au niveau des membres inférieurs.
Deux cas de figure se présentent :
1.Soit on opte pour un appui sacré étayé par les
membres inférieurs en extension (genoux tendus): C’est l’attitude adoptée
par les sujets plutôt jeunes n’ayant pas de restriction articulaire au niveau
des genoux (flessum). La position ne requiert pas de grosse dépense musculaire
car les articulations des genoux s’auto-stabilisent à 180°. Par contre, elle
est rapidement perçue comme très
instable à cause du glissement
continu du bassin et un tel sujet préférera, sans doute, arpenter le quai de
la gare ou s’asseoir sur sa valise, s’il en a une…
2.Soit, toujours en appui sacré, on opte pour une
position genoux semi-fléchis dans l’espoir de mieux stabiliser le glissement
du bassin ou si, tout simplement, on est dans l’impossibilité d’étendre
ses jambes normalement: Ici la
situation devient rapidement insupportable en application de principes simples
de biomécanique. La petite angulation fémoro-tibiale impose une contraction
musculaire permanente des quadriceps - dans leur physiologie la plus pénible,
c'est-à-dire en travail freinateur excentrique
- mais également au niveau des muscles postérieurs de la cuisse (ischio-jambiers)
dans un phénomène de co-contraction réalisant
ainsi le travail d’un véritable vérin de poussée s’opposant aux forces
gravitationnelles.
Si les masses fessières, largement mises à contribution dans nos sociétés
modernes, supportent bien une bonne partie de notre poids en position assise,
c’est que leur tâche est bien secondée par un large appui fémoral postérieur.
Ces deux grandes masses musculaires (fessière et crurale) étant très
puissamment vascularisées, « l’ankylose » ne survient qu’au
bout d’un long temps d’immobilité.
Il n’en est pas de même pour le nouvel équipement proposé, car on
voit, en fonction de ce qui a été dit plus haut en « a » et
« e » qu’il n’est pas souhaitable d’écraser des tendons en
s’asseyant dessus et que la zone sacrée, très peu recouverte, ne convient guère
mieux, car encore moins protégée.
De plus, l’inconfort qui en résulte chez les personnes âgées ou
handicapées ainsi que chez les personnes de petite taille conduit celles-ci à
éviter ces « mauvais sièges ».
Deux questions se
posent alors :
1)Sur la pertinence de l’étude bio-mécanique -
celle-ci a-t-elle été bien faite ?
2)Sur celle de la motivation réelle de la mise en
place de tels équipements.
Des notions simples d’ergonomie rappellent que la fatigue ne peut être
soulagée que par le repos, qu’il n’y a pas de repos sans confort et qu’il
n’y a pas de confort sans stabilité.