Vu
la requête,
enregistrée le
15 novembre
2006, présentée
par M.
Marc VERGIER, demeurant 5
boulevard de Louvain à Marseille (13008)
; M. VERGIER
demande au Tribunal :
1°)
d’ordonner l’effacement
immédiat sur
les terre-pleins
des allées
latérales du
Prado visés par
les arrêtés n° CIRC 0603112 et
CIRC 061967 des 8 mars et
11 avril 2006, décidant
la
création de
bandes cyclables, de tous
les logos,
bandes et
plages peintes
ainsi que
de tous
les
panneaux éventuels
et autres
signalisations tendant
à accréditer
dans l’esprit
du public
l’idée
qu’une autre loi que la loi nationale y
serait en vigueur ;
2°) d’ordonner
la mise
en place
dans la
zone concernée
de panneaux
permanents
rappelant les
termes et l’esprit des
dispositions légales applicables, notamment
quant à la
vitesse
maximum autorisée
et l’interdiction de causer
de gêne
aux piétons
et quant
aux aménagements
pour handicapés ;
3
°) d’ordonner,
« pour
l’intérim »,
en considération
du péril
existant, la
mise en
place immédiate de
panneaux d
’information temporaires et
l’information immédiate du
public par
la presse et tous
autres moyens
de diffusion quant
aux dispositions
applicables à
la circulation sur
les trottoirs, terre-pleins et promenades pour
piétons ;
4°) d’annuler, en tant que de besoin, les arrêtés
contestés ;
5°) de
considérer souverainement
l’opportunité d’étendre la
portée de
sa saisine et de
sa
décision aux aménagements
comparables de
l’ensemble du
territoire municipal
ou « communo-
communautaire » ;
Il soutient
que les
arrêtés contestés
et particulièrement
leur mise
en œuvre
ignorent
délibérément la
lettre des
articles R.
412-34, R.
431-9, alinéa
4, et
R. 431-10
du code
de la
route alors qu’il
relèvent de
leur champ
d'application ; qu’ils ambitionnent
de se
substituer à
la
loi et
n’indiquent pas la
hiérarchie des règles
applicables ; qu’ils ne
respectent pas l’obligation
universelle de
circuler au
pas dans toutes les
zones affectées
aux piétons et
de ne
pas gêner ces
derniers, les
droits des
handicapés, la
jouissance des droits
consentis aux concessionnaires
des
terre-pleins ; que ces bandes cyclables
à double-sens
présentent des
dangers pour les usagers de
la voie
publique et en particulier les piétons
;
Vu les arrêtés attaqués ;
Vu le
mémoire, enregistré
le 15
mai 2007,
présenté par
M. VERGIER,
qui conclut
aux mêmes fins, par les mêmes moyens, que la requête ;
Vu l'ordonnance en
date du 2 juillet 2007 fixant la clôture d'instruction au 2 août 2007, en
application des articles R. 613-1 et R. 613-3
du code de justice administrative ;
Vu le
mémoire en défense, enregistré
le 4 juillet 2007,
présenté par
la ville
de Marseille,
représentée par son
maire en exercice,
qui conclut au rejet de
la requête ;
Elle fait
valoir que
les arrêtés
critiqués sont conformes
aux plans
d’aménagement
élaborés par la
communauté urbaine Marseille Provence
Métropole, compétente en
la matière, le maire s’étant
borné, en
application de
ses pouvoirs
de police,
à réglementer
la circulation
et le
stationnement ; qu’ils
sont également
conformes à
la réglementation
relative à
la circulation des
piétons et
des cyclistes sur
la voie publique
et ne
méconnaissent pas
les dispositions
invoquées,
lesquelles ne
prohibent pas l’implantation
de pistes cyclables
sur les
trottoirs ; que la réalisation
de ces pistes s’est
faite dans le
respect du code de la
route ; que la signalisation
mise en place ne
se substitue
pas à
la réglementation
existante mais
informe et
rappelle les
dispositions applicables du code de la route ;
Vu le mémoire,
enregistré le 11 juillet
2007, présenté par M. VERGIER, qui confirme
ses
précédentes écritures ; Il ajoute
qu’une règle,
quel que
soit son
objet, ne
saurait être à ce point inintelligible
et
inapplicable ; que
les aménagements
appropriés au partage des
trottoirs entre
les cyclistes et les
piétons n’ont pas été mis en place ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales
;
Vu le code de la route ;
Vu le code de justice
administrative ;
Les parties ayant
été régulièrement
averties du jour de l'audience ;
Après avoir
entendu au cours de
l'audience publique du 16 décembre 2008 :
- le rapport
de M. Chanon,
rapporteur ;
- les
observations de M. VERGIER ;
- et les conclusions de Mme Boyer, commissaire du
gouvernement ;
Sur les conclusions
aux fins d’annulation :
Considérant qu’aux
termes de l’article L.
411-1 d u code de la
route, dans sa rédaction
à la
date des
arrêtés attaqués
: « Les
règles relatives
aux pouvoirs
de police
d e la
circulation routière dévolus
au maire
dans la
commune (…)
sont fixées
par les
articles L.
2213-1 à L. 2213-6 du code
général des collectivités territoriales ci-après reproduits :
" Art. L. 2213-1 - Le
maire exerce la
police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales
et les
voies de
communication à l'intérieur
des agglomérations.
(…)" » ; qu’aux termes de
l’article
R. 110-2 :
« Pour l'application du
présent code, les termes
ci-après ont le sens qui leur est donné
dans le
présent article
: (…)
- aire
piétonne :
emprise affectée, de manière
temporaire ou permanente, à la
circulation des piétons et à
l'intérieur du périmètre
de laquelle la circulation
des
véhicu les est
soumise à
des prescriptions
particulières ; (…)
- bande
cyclable :
voie
exclusivement réservée aux cycles à deux ou trois
roues sur une chaussée à plusieurs
voies ; (…) - chaussée
: partie(s)
de la
route nor malement
utilisée(s) pour la circulation
des véhicules
; (…)
- piste
cyclable :
chaussée exclusivement réservée aux
cycles à
deux ou
trois roues
(…) » ; qu’aux termes
de l’article
R. 412-34
: « I.
- Lorsqu'une chaussée est
bordée d'emplacements
réservés aux
piétons ou
normalement praticables
par eux,
tels que
trottoirs ou
accotements, les
piétons sont
tenus de
les utiliser, à
l'exclusion de la
chaussée. Les
enfants de
moins de
huit ans qui conduisent
un cycle
peuvent également
les utiliser,
sauf dispositions différentes prises
par
l'autorité investie
du pouvoir
de police,
à la
condition de
conserver l'allure
du pas
et de
ne pas
occasionner de
gêne aux
piétons. II.
- Sont
assimilés aux piétons :
1° Les
personnes qui
conduisent une
voiture d'enfant,
de malade
o u d'infirme,
ou tout
autre véhicule
de petite
dimension sans
moteur ; 2° Les personnes
qui conduisent à la main
un cycle ou un cyclomoteur
; 3° Les
infirmes qui
se déplacent
dans une
chaise roulante
mue par
eux- mêmes ou
circulant à
l'allure du
pas (…)
» ; qu’aux
termes de
l’article R.
431-9 :
« Pour les
conducteurs de
cycles à deux ou
trois roues,
l'obligation d'emprunter les bandes
ou pistes
cyclables est
instituée par
l'autorité investie
du pouvoir
de police
après avis
du préfet.
(…) Les
conducteurs de cycles
peuvent circuler sur
les aires piétonnes, sauf
dispositions différentes prises
par l'autorité
investie du pouvoir de police, à la condition de conserver
l'allure du pas et de ne pas occasionner de
gêne aux piétons. ( …) Le
fait, pour tout conducteur,
de contrevenir aux
dispositions du présent article
ou à celles prises pour son application est puni de l'amende
prévue pour les
contraventions de la deuxième classe. » ;
Considérant que, par arrêtés
n° CIRC
0603112 et
CIRC 061967 des 8 mars et 11
avril 2006, le
maire de la
ville de
Marseille a,
notamment, décidé la
création de
bandes cyclables au
centre des terre-pleins
des allées latérales du Prado ; qu’il a ainsi également
entendu réglementer
la circulation
des cycles en
leur imposant
d’emprunter ces bandes cyclables
;
que M. VERGIER doit être
regardé comme
poursuivant l’annulation de ces
arrêtés et
comme sollicitant, en
conséquence de l’annulation,
des mesures
d’injonction ;
Considérant que
si, en
vertu de
l’article L.
521 5-20 du
code général
des collectivités
territoriales, la communauté urbaine Marseille
Provence Métropole est compétente en matière de
création ou
aménagement et
entretien de
voirie, la
police de
la circulation
routière dans
la
commune de
Marseille relève
de la
seule compétence du maire
en vertu
des pouvoirs
de police
qu’il tire
des dispositions combinées, et
précitées, des articles
L.411-1
du code
de la
route et
L. 2213-1
et suivants
du code
général des
collectivités territoriales ; que
les arrêtés
critiqués réglementant la
création et
l’utilisation de bandes cyclables constituent des mesures de police de
la circulation routière prévues par
l’article R. 431-9 du code de la
route ; que, dès
lors, la
ville de
Marseille ne
peut utilement
invoquer la
conformité des arrêtés
en litige
aux plans d’aménagement élaborés par la communauté urbaine
;
Considérant qu’il
résulte des
prescriptions rappelées
ci-dessus de
l’article R.
110- 2 du code de la route que les pistes et bandes cyclables ne
peuvent être réalisées que
sur une chaussée,
soit la
partie de la route
normalement utilisée pour la circulation
des véhicules ;
qu’il ressort
des
pièces du dossier
que les
larges terre-pleins
en cause,
qui ne
font pas partie
de la chaussée mais
sont surélevés
par rapport à
elle, sont
situés entre l’avenue du
Prado et
les allées du Prado,
sans
qu’une circulation
de véhicules automobiles n’y soit possible, ce qui n’est
d’ailleurs pas allégué ;
que, dès
lors, ces
terre-pleins constituent, non des
aires piétonnes
au sens
de ces
mêmes
prescriptions,
mais des
emplacements réservés aux
piétons au
sens des
dispositions de
l’article
R. 412-34
du code
la route,
qui peuvent
également, en vertu
de ces
mêmes prescriptions, être
utilisés par les
seuls cyclistes âgés
de moins
de huit ans
« à la
condition de
conserver l'allure
du pas et
de ne
pas occasionner de gêne
aux piétons »
; qu’il
s’ensuit qu’en
autorisant la création
des bandes
cyclables en
litige, par
nature autorisées
à tous
les utilisateurs
de cycles
sans
limitation de
leur vitesse à
celle des piétons,
le maire de la
ville de
Marseille a
fait une inexacte application des dispositions du
code de la route ;
Considérant qu’il
résulte de ce qui précède,
sans q u’il soit besoin
de statuer sur les autres
moyens de la
requête, que M.
VERGIER est fondé à demander
l’annulation des arrêtés
attaqués ;
Sur les conclusions
aux fins d’injonction :
Considérant qu’aux
termes de
l’article L.
911-1 du code
de justice
administrative :
« Lorsque sa
décision implique
nécessairement qu’une
personne morale
de droit
public ou
un
organisme de droit privé chargé de la gestion
d’un service public prenne une mesure d’exécution
dans un
sens déterminé,
la juridiction, saisie de
conclusions en ce
sens, prescrit,
par la
même décision juridictionnelle, cette mesure assortie, le
cas échéant, d’un délai d’exécution. »
Considérant que
l’annulation des
arrêtés litigieux
qui vient
d’être prononcée
n’implique
pas nécessairement
que
la ville
de Marseille
entreprenne des
travaux d’effacement
des bandes
cyclables, lesquels
relèvent de
la seule
responsabilité de la
communauté urbaine Marseille
Provence Métropole
; qu’en revanche
le présent jugement implique qu’il
soit enjoint à la
ville de Marseille
de prendre les
mesures nécessaires
pour que
soit mis
place, dans
un délai
de quatre
mois, une
signalisation indiquant que
les bandes
cyclables des
allées du
Prado visées
par les arrêtés en
litige sont réservées aux
enfants de
moins de huit ans
qui conservent
l'allure du pas
et n’occasionnent pas de gêne aux
piétons ;
Considérant qu’il
n’appartient pas
au juge
administratif d’étendre de
lui- même sa saisine ;
D E C I D E :
Article 1 : Les
arrêtés du
maire de
Marseille n° CIR C
0603112 et
CIRC 061967
des
8 mars et 11 avril 2006 sont annulés.
Article 2
: Il
est enjoint
à la ville
de Marseille
de prendre
les mesures
nécessaires pour
que soit
mis place,
dans un
délai de
quatre mois,
une signalisation indiquant que
les bandes l'allure du
pas et n’occasionnent pas de gêne aux piétons
Article 3 : Le surplus
des conclusions de la requête
est rejeté.
Article 4
: Le présent
jugement sera
notifié à
M. Marc
VERGIER et
à la ville
de
Marseille.
Copie en
sera adressée au préfet des
Bouches-du-Rhône.
Délibéré après
l'audience du 16 décembre 2008,
Lu en audience
publique le 30 décembre
2008.
à laquelle siégeaient
:
Mme Dol, présidente,
M. Chanon, premier conseiller,
Mme Lopa-Dufrenot, conseillère,
assistés de M.
Camolli, greffier.
Le
rapporteur,
Signé
R. CHANON |
|
La présidente,
Signé
C. DOL |
|
Le greffier,
Signé
A. CAMOLLI |
|
La République mande et ordonne au préfet des
Bouches-du- Rhône en ce qui le concerne et à tous
huissiers en ce requis en ce qui concerne
les voies de droit
commun contre les parties privées de
pourvoir à l’exécution du présent jugement.
Pour expédition conforme,
LE GREFFIER
EN CHEF
|